Le 07 février dernier, au terme du Conseil des ministres, les médias nationaux ont fait part de l’intention du Président Brice Clotaire Oligui Nguema d’amender la charte de la transition en son article 35.
Normal ! Dans la mesure où la charte, en son article 58 au premier alinéa, reconnaît au Président de transition une telle prérogative (L’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la Transition et au tiers (1/3) des membres du Parlement de la Transition. Art 58).
Toutefois, il apparaît nécessaire de s’interroger et de comprendre les raisons qui ont conduit l’ancien patron de la Garde Républicaine (GR) à prendre l’initiative de l’amendement de la charte de la transition et principalement de l’article 35.
Ce qu’il faut savoir d’entrée est que l’article 35 est l’un des articles névralgiques de la charte ; mais c’est aussi un article qui pose problème. En effet, cet article dans sa formule précédente mettait le Général dans un pétrin et à la merci de ses hypothétiques adversaires politiques. Ce que dit l’article en question : ‘’ Le Président de la Transition remplit les fonctions de Chef de l’État. Il est le Ministre de la Défense et de la Sécurité. Il veille au respect de la Constitution et de la Charte de la Transition. Il est choisi par un collège de désignation mis en place par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions.’’
Comme vous pouvez le lire, la charte, au départ, faisait de Brice Clotaire Oligui Nguema le Président de la transition mais également, de lui, le ministre de la défense et le ministre de l’intérieur. Or, la même charte, en son article 44, dispose que ‘’les membres du Gouvernement de la Transition ne sont pas éligibles à l’élection présidentielle qui sera organisée pour marquer la fin de la Transition. De ce fait, le Président lui-même entrait dans un engrenage donnant lieu à toutes les confusions et mettant surtout à risque sa possibilité d’être candidat.
En effet, comment aurait-il défendu l’idée selon laquelle il n’est pas membre du gouvernement alors que la charte lui en reconnaît la qualité ? Il s’agissait également pour Brice Clotaire Oligui Nguema de protéger ses actuels ministres de la défense et de l’intérieur afin que ces derniers ne demeurent pas dans l’illégalité, la violation de la charte et que leurs actes ne soient pas frappés du sceau de la nullité.
Une violation de la charte de la Transition?
Pourquoi parler de violation ? Tout simplement parce que le Président de la transition a cédé ses fonctions de Ministre de la Défense et de l’Intérieur sans au préalable modifier l’article 35 de la charte. Cette situation crée d’ailleurs un précédent historique et inédit dans l’histoire institutionnelle de notre pays car jusqu’au 09 février 2024 en après-midi, avant la modification de l’article dont il est question ici, le Gabon disposait de fait, de 2 ministres de la défense et de 2 ministres l’intérieur. On peut donc aisément comprendre que cette disposition était un caillou dans la chaussure de Brice Clotaire Oligui Nguema. D’ailleurs, même après sa modification, elle pourrait toujours faire l’objet de controverses.
Quelles conséquences?
Sur un tout autre plan, cet épisode institutionnel oblige de notre part que nous fassions quelques observations : d’abord : il est tout de même surprenant que face à ce qui apparaît bien plus qu’un vice de forme, le Parlement de Transition n’ait rien remarqué d’anormal. En fait, si la charte de transition peut être enjambée sans réaction aucune, cela veut dire que nos parlementaires devraient redoubler de vigilance et mieux faire leur travail.
Ensuite : cet épisode remet au goût du jour la responsabilité et les prérogatives de la Cour Constitutionnelle (de transition dans notre cas de figure). C’est pourquoi une question s’impose à nous : la Cour Constitutionnelle de Transition, peut-elle laisser une telle erreur se produire sans sortir de sa réserve ? (Nous approfondirons la question dans une prochaine publication).
Il ne faut surtout pas oublier que cette charte a une valeur supra constitutionnelle dans la mesure où ‘’ En cas de contrariété entre la Charte de la Transition et la Constitution du 26 mars 1991, les dispositions de la présente Charte s’appliquent. La Cour Constitutionnelle de la Transition statue en cas de litige (article 61 de la charte).
La Cour, dans ce cas de figure aurait pu briller par son audace pour protéger ce texte sacré lequel au regard de la période sensible et des enjeux, ne devrait pas faire l’objet de contorsions juridiques actives ou passives.
Que dire enfin des acteurs et partis politiques gabonais qui ont une fois de plus encore brillé par le silence ?
Aussi, d’un point de vue purement politique, s’il est vrai que le Général vient de lever un obstacle à sa marche vers une éventuelle candidature aux prochaines élections, ces erreurs (modification tardive de l’article 35 de la charte) peuvent compromettre sérieusement la Transition et remettre en cause la bonne marche du pays.
Whylton Le Blond Ngouedi Marocko. Docteur en Droit Public Comparé et International ( Université de Rome La Sapienza). Spécialiste en Relations Internationales (Paix guerre et sécurité).
Félicitations pour la qualité de votre message.
La Galaxy politique Gabonaises préoccupée par ailleurs n’a pas puis déceler cette situation ambiguë .
Cette fois sont d’avancer avec autant de négligence et de légèreté sur les questions aussi importante présage que le dialogue National ne serai pas une rivière aux eaux tranquilles.
Merci beaucoup pour ces clarification et vigilante remarques .