Depuis la signature en février 2023 entre l’État gabonais et le géant minier australien Fortescue Metals Group (Ivindo Iron) autour du projet d’exploitation du gisement de fer de Bélinga, les Gabonais dans leur ensemble et les habitants de l’Ogooué-Ivindo (Ogivins) en particulier s’inquiètent et s’interrogent.
Leurs inquiétudes sont légitimes car, jurisprudence oblige, les Gabonais ont à l’esprit les dégâts environnementaux occasionnés par les multinationales au Gabon, notamment la française Areva via sa filiale Comuf (Compagnie des Mines d’Uranium de Franceville) à Mounana. Mounana aujourd’hui ville presque fantôme, est impactée par la présence des déchets radioactifs à hauteur de 7,5 millions de tonnes, la contamination des sols et la présence des résidus d’extraction d’uranium, lesquels rendent la santé des populations riveraines et environnantes vulnérable.
Pire, ces populations n’ont jusqu’ici pas obtenu réparation pourtant au moins 1618 anciens ouvriers gabonais de la Comuf exposés à la radioactivité avaient déposé plainte.
C’est donc par peur de revivre un tel drame que l’opinion publique gabonaise demande à voir clair dans cette affaire pour ainsi éviter à d’autres Gabonais de mourir à petit feu.
Mieux, depuis l’arrivée au pouvoir du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), les Gabonais ont découvert médusés que les termes du contrat d’exploitation du gisement de fer de Bélinga ne sont profitables à l’État gabonais qu’à hauteur de 10%.
Cette répartition inégale qui embarque le Gabon dans une nouvelle aventure “d’esclavage minier” nous pousse à nous questionner de la manière suivante : qui sont les acteurs politiques et institutionnels gabonais qui ont rendu possible une telle escroquerie ?
C’est révoltant quand on sait que des pays tels que la Guinée-Conakry, au temps de Lansana Conté, avaient dû exiger du géant minier anglo-australien “Rio Tinto” le financement de la construction d’un chemin de fer national comme préalable à l’exploitation du gisement de fer de Simandou. Face au refus de l’entreprise anglo-australienne de s’exécuter, le gouvernement guinéen avait adopté des mesures de rétorsion.
La Gabon, ne regorge-t-il pas d’hommes d’État ? De patriotes ?
Sinon, comment comprendre que des gens soient prêts à brader leur pays de la sorte ?
Des doutes sur le géant minier australien ?
De plus, Fortescue Metals Group société australienne dont une bonne partie des actionnaires sont des Chinois de l’Hunan Valin Iron & Steel (soutenue par le Fond Souverain Chinois CIC) n’a pas pignon sur rue.
En effet, entre le 23 août et le 9 novembre 2004, elle a été épinglée en Australie par la Commission Australienne des Valeurs Mobilières et des Investissements (ASIC) pour information incomplète, tromperie et faux. Le tribunal civil avait d’ailleurs exigé de Fortescue de verser des dédommagements d’un total de 10,4 millions de dollars.
Ce n’est pas tout. En 2023, le géant minier australien est inculpé pour non-fourniture à la justice australienne de documents concernant plus de 30 cas de harcèlement sexuel sur 3 sites miniers d’Australie Occidentale.
De même, en République Démocratique du Congo, Fortescue Metals a été éjecté du projet du grand Inga car il lui est reproché de s’être attaché les services du Pasteur Olivier Tshilumba (proche du Président Felix Tshisekedi) à hauteur de 500 000 dollars afin qu’il puisse faire pression sur le gouvernement en faveur du géant minier australien.
Enfin, en Australie-Occidentale, Fortescue Metals est accusé de destruction des terres et des sites sacrés de la communauté aborigène Yindjibarnndi.
On peut donc légitimement craindre que l’exploitation du gisement de fer de Bélinga génère la dégradation des terres due aux déchets miniers, l’émission de gaz à effet de serre, la pollution des eaux, une déforestation et une perte de la biodiversité.
Ces inquiétudes relatives à l’exploitation de Bélinga sont valables pour le gisement de fer de Baniaka (1 milliard de tonnes) exploité par un autre Australien ‘’Genmin’’ associé au chinois Baowu.
Idem pour l’exploitation du manganèse de Moanda par la Comilog, filiale de la française Eramet. Moanda où des populations sont contraintes de quitter leurs terres ancestrales afin de s’installer sur d’autres sites parce que l’exploitation du manganèse doit se poursuivre.
En somme, le Gabon dont les richesses minières devraient constituer de véritables opportunités de développement se retrouve exposé à des conséquences incalculables et risques pour la survie de ses populations.
Des pistes de solution ?
Que faut-il faire ? Il est plus qu’urgent que chaque Gabonais considère la question de l’exploitation des mines comme étant une question de survie personnelle et collective.
Il est question d’exiger une révision des accords miniers tout simplement parce que la signature a eu lieu dans des conditions peu transparentes.
Dans un contexte de transition censé marquer la refonte de l’État et un changement des mentalités, la société civile, les forces politiques et les intellectuels gabonais gagneraient à être plus regardant sur la question.
Une action commune des parlementaires de la transition et des membres du Conseil Économique Social et Environnemental afin d’exiger plus de transparence et même un accès aux termes du contrat par la population afin de garantir la transparence et protéger les intérêts du peuple n’est pas à exclure.
Enfin, Il faut surtout qu’au terme de la transition, il soit inscrit dans la nouvelle constitution soit l’initiative de référendum local afin de permettre aux populations autochtones ou nationales de se prononcer sur des projets d’exploitation des ressources minières, halieutiques etc…
Docteur en Droit Public Comparé et International (Université Rome I La Sapienza)
Diplômé en Relations Internationales- Paix, Guerre et Sécurité (Université Rome III)