Il s’appelle Markky Edzang Zue, il est journaliste d’investigation et responsable de la page facebook Reporter Insight. Depuis plusieurs jours, voire semaines, il fait l’objet de tentatives d’intimidation, d’enlèvement et de menaces de mort.
Son tort ? Avoir dénoncé et exposé la mafia libanaise au Gabon et ses pratiques illégales.
Tout commence, selon ses dires, lorsqu’il met en lumière une tentative d’expropriation de terrain d’une famille gabonaise par un ressortissant libanais. Ce dernier est un entrepreneur prospère qui possède d’ailleurs une grande société au Gabon. À la suite d’un projet non abouti et se servant d’une réservation foncière, l’homme d’affaires libanais a tout simplement décidé de prendre possession d’un espace pourtant habité par cette famille gabonaise.
Plus grave encore, il aurait même voulu exhumer la tombe du patriarche de la famille qu’il menace d’expulser. Cependant, l’homme a dû reculer à cause des pressions énormes exercées par la famille et certains soutiens.
C’est donc cette implication de Markky Edzang Zue dans cette affaire qui aurait été perçue par le lobby libanais du Gabon comme le franchissement d’une ligne rouge.
Markky Edzang Zue, victime d’une fatwa pour d’autres raisons ?
Apparemment, l’implication du journaliste aux côtés de la famille qui risque l’expropriation n’est pas la seule raison qui lui vaut l’inimitié d’une grande partie de la communauté libanaise du Gabon.
En fait, Markky Edzang est l’auteur d’un reportage inédit intitulé : “Mafia libanaise au Gabon”. Dans ce reportage, on apprend que les Libanais contrôlent tout au Gabon, de l’import-export à la vente de véhicules d’occasion, en passant par le BTP et surtout le foncier puisqu’ils possèdent plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI), lesquelles proposeraient à l’État des projets fictifs qui se transforment la plupart du temps en éléphants blancs. En réalité, il s’agit simplement d’un subterfuge pour prendre possession des terrains des Gabonais et s’enraciner durablement.
Leur mainmise sur le foncier au Gabon s’illustre, selon le journaliste, par le fait que les Gabonais ont d’énormes difficultés à obtenir des titres fonciers (parfois 10 ans, voire plus) alors que, dans le même temps, les Libanais parviennent à entrer en possession des terres de façon intégrale en six mois maximum seulement.
Leur omnipotence est tellement avérée qu’ils dictent la loi dans des zones telles que Saint-Germain ou la zone industrielle d’Oloumi à Libreville. Dans le quartier Saint-Germain par exemple, ils se réuniraient régulièrement chaque mois au 5ème étage d’un immeuble pour faire le point de leur offensive pour le contrôle du Gabon.
Main basse sur les terres du Gabon et expulsion des autochtones ?
Que cache cette course effrénée pour le contrôle du Gabon, de ses ressources et de ses secteurs stratégiques de la part du gros contingent de la communauté libanaise au Gabon ?
Pour le journaliste d’investigation, le fait que les Libanais créent des SCI est tout simplement un moyen de mettre définitivement la main sur les terres gabonaises et d’en avoir le contrôle absolu.
Dès lors, on peut se poser plusieurs questions. Les Gabonais ne seraient-ils pas en train de vivre une colonisation et une dépossession de leurs terres ? Une situation qui, si l’on n’y prend pas garde maintenant, pourrait transformer le pays en une véritable poudrière ; une sorte de Palestine de l’Afrique subsaharienne, tant la question du foncier est sensible et vitale.
Sinon, pourquoi voler et arracher les terres d’une population qui vous a accueillis à bras ouverts lorsque vous fuyiez les désastres de la guerre dans votre pays ?
Non-respect de la loi, instauration d’une anarchie et traitements discriminatoires et inhumains.
L’enquête du journaliste Markky Edzang Zue révèle que la grande majorité des employeurs libanais au Gabon ne craignent pas la justice gabonaise car, disent-ils, ils connaissent ceux qui décident. Il illustre ses propos par un épisode qui a défrayé la chronique : un commerçant libanais avait giflé le maire d’une commune de la province du Haut-Ogooué.
Il en va de même lorsque les Libanais emploient des Gabonais et subsahariens. Ces derniers sont très souvent maltraités, mal ou non payés. Pour les femmes, elles sont souvent victimes de harcèlement et de tentative de viol.
Le journaliste va plus loin ; il ressort de ses observations que plusieurs de ces Libanais établis au Gabon réduisent des femmes gabonaises en objets et esclaves sexuelles.
De façon générale, ils traitent très mal leurs travailleurs subsahariens, c’est-à-dire les Africains à la peau noire. Au Gabon, selon cette enquête, les employeurs ont des relents racistes, négrophobes et une aversion manifeste pour la peau noire. C’est le cas de l’entreprise Bricorama de Mohamed Aboukhoud. À Bricorama, les salaires ne sont pas payés convenablement, il n’y a pas de couverture sociale pour les travailleurs; à cela s’ajoutent des maltraitances quotidiennes.
Une situation déplorable et inadmissible. En effet, tout le monde sait qu’aucun Gabonais ne peut se comporter de cette manière au Liban sans s’exposer à des représailles et sanctions lourdes.
Mise en danger de la sécurité nationale du Gabon ?
Certains libanais du Gabon semblent être impliqués dans des affaires qui ne concernent pas le Gabon et peuvent malheureusement exposer le pays à des dommages collatéraux. Illustration faite l’arrestation d’un homme d’affaire ayant la double nationalité gabonaise et libanaise (Voir l’article: https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/ethiopie-liberation-dun-libano-gabonais-mysterieusement-arrete-pour-liens-presumes-avec-le-hezbollah_3620327.html
Responsabilité ou complicité des décideurs gabonais ?
La situation décrite par le journaliste Markky Edzang Zue montre que les membres de la communauté libanaise qui affichent des comportements blâmables, inadmissibles voire dangereux pour la souveraineté du Gabon bénéficient de complicités à l’intérieur de l’appareil d’État. Ce n’est pas un hasard si certains d’entre eux, confient à nos sources que “les autorités gabonaises mangent dans leurs mains”, ils n’ont donc rien à craindre.
Cela traduit surtout un manque de leadership et de patriotisme du côté gabonais. En effet, il est inexplicable que des gens se rendent acteurs et complices de la destruction de leur propre environnement.
Une précision importante : le journaliste explique qu’il règne une sorte d’omerta sur la question de la mafia libanaise au Gabon. Il est presque impossible d’en parler sans craindre des représailles sévères.
Aussi, la force de frappe financière de ces derniers leur donne une certaine facilité à se payer le soutien de certains leaders d’opinion ou célébrités afin de redorer leur image.
Un bémol ?
Au Gabon, ce sont plus de 11 000 Libanais qui sont établis. On y trouve des chrétiens, mais ils sont majoritairement musulmans (chiites, sunnites ou encore druzes). Il s’agit donc d’une communauté très nombreuse, dont l’effectif dépasse largement les proportions auxquelles pensent les Gabonais.
De ce fait, il convient de préciser que cet article ne vise pas à stigmatiser une communauté, dans la mesure où il serait difficile, voire déraisonnable, d’affirmer que ce sont plus de 11 000 Libanais qui participeraient à ce projet apparent de pillage et de mainmise sur le Gabon. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux sont nés, ont grandi et se sont même impliqués dans la vie politique et sociale du pays.
En revanche, il est inadmissible qu’un Gabonais, journaliste, soit menacé dans son propre pays parce qu’il souhaite avoir un droit de regard sur ce qui se fait.
Il ne faut surtout pas oublier que le Gabon, pays dont la superficie est 25 fois plus grande que celle du Liban, a accueilli une grande partie des ressortissants libanais qui ont dû fuir les guerres du Liban. D’abord entre 1975 et 1992, puis de 1983 à 1985, pour ne citer que ces deux épisodes. Des guerres très meurtrières qui ont vu l’émergence des milices armées telles que les Phalanges Libanaises (Kataëb) de Pierre Gemayel, la Brigade Marada de Soleiman Frangié ou encore Amal de Moussa Sadr.
Une réaction ferme des autorités gabonaises attendue ?
Il est temps que les autorités gabonaises jouent de plus en plus leur rôle, celui de protéger les citoyens. Il faut aussi que chaque Gabonais soit au fait des enjeux de l’heure et participe à la protection de son pays comme le recommande la constitution de la République Gabonaise.
Il sied d’ajouter que le contrôle des terres par des forces exogènes au Gabon met en danger le cadre de vie, l’environnement (faune, flore).
Les terres du Gabon appartiennent au peuple gabonais, et c’est pourquoi elles doivent être véritablement préservées et protégées. Elles ne sauraient être cédées comme des bouts de pain au premier venu.
Les menaces et les intimidations à l’endroit de Markky Edzang Zue et de tout autre citoyen doivent immédiatement prendre fin. La Police Nationale, le Ministère de l’intérieur et les autorités judiciaires sont attendus par les gabonais sur ces questions.