Gabon : une nouvelle constitution au service de l’autoritarisme?

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Depuis quelques mois, plusieurs compatriotes gabonais n’ont cessé d’alerter sur les risques liés à l’élaboration d’une constitution qui ne reflète pas les aspirations du peuple gabonais. Ils avaient déjà exprimé leur opposition à l’idée d’un mandat présidentiel de 7 ans renouvelable une seule fois ou non, à la reconduction du Sénat, et à toute forme d’absolutisme. Ils ont également mis en garde contre la suppression du poste de Premier ministre, une mesure qui consoliderait la toute-puissance du Président.

Depuis hier, 31 août, ce que était tant redouté est devenu réalité. Le projet de constitution, présenté de manière sommaire par le comité constitutionnel, acte la concentration excessive des pouvoirs exécutifs entre les mains du Président, lui conférant la plénitude du pouvoir exécutif. Cela signifie que toutes les décisions reposent sur une seule personne. C’est l’avènement d’une hyper-présidentialisation.

Cette concentration du pouvoir est extrêmement dangereuse pour notre démocratie, car elle érode les mécanismes de contrôle et d’équilibre indispensables à la prévention des abus de pouvoir. Malgré les déclarations apparemment rassurantes du comité constitutionnel, cette constitution masque un danger sous-jacent : la prolongation excessive du pouvoir présidentiel.

En effet, un président élu pour deux mandats de sept ans, soit quatorze ans au total, dispose d’un temps largement suffisant pour consolider son emprise sur les institutions du pays, affaiblir les contre-pouvoirs, et imposer une domination quasi monarchique. L’histoire politique de nombreux pays africains montre que les dirigeants qui restent trop longtemps au pouvoir finissent souvent par s’arroger un pouvoir perpétuel, soit par des révisions constitutionnelles, soit par d’autres manœuvres politiques. C’est pourquoi un mandat de 4 ou 5 ans, renouvelable une fois, est une meilleure solution, car il permet au peuple d’évaluer plus fréquemment les actions du gouvernement et de corriger les erreurs éventuelles.

Dans un pays qui aspire à tourner la page de l’autoritarisme, un mandat de 7 ans est largement suffisant pour engendrer des dérives en matière de gouvernance. Dans un contexte d’hyper-présidentialisation, et sans contre-pouvoirs réels, sept ans à la présidence permettent de conclure des contrats avec des multinationales sans rendre de comptes au peuple, de tribaliser et claniser l’administration, et de favoriser la gouvernance par copinage.

Nous assistons aux prémices d’une gouvernance qui ne fera aucun bien à notre pays. Cette constitution fait du Gabon une dictature de jure et de facto, marquant l’ère du droit et de la loi contre la démocratie et la souveraineté. Si des Gabonais ont sacrifié leur vie en 1993, 2009 et 2016 pour la souveraineté, la démocratie, et l’alternance, ce n’était pas pour revenir à la case départ, voire pire, en 2024, en pleine période de libération/restauration.

Concernant le Sénat, nous avons déjà expliqué qu’il doit être supprimé pour permettre des économies et accélérer la politique de solidarité sociale nationale, ainsi que pour renforcer les prérogatives des collectivités locales. Des pays plus peuplés que le Gabon, tels que la Zambie, la Suède ou la Finlande, n’ont qu’une seule chambre parlementaire, l’Assemblée nationale. De même, des pays dont la démographie est similaire à celle du Gabon, comme le Botswana, qui a une population presque identique à la nôtre, ont un parlement monocaméral et pratiquent une réelle alternance politique.

Si l’élection du Président de la Cour constitutionnelle par ses pairs peut être considérée comme un progrès, cela ne garantit pas l’indépendance de la Cour ni des juges, car le problème central reste la nomination des juges constitutionnels. Qui les nomme ? En répondant à cette question, nous pourrons évaluer si la nouvelle constitution met fin à la mise sous tutelle politique du juge constitutionnel.

Il est également pertinent de s’interroger sur les motivations qui ont pu pousser certains opposants à Ali Bongo, membres du comité constitutionnel, à proposer un mandat de 7 ans, à reconduire le Sénat, et à acter l’hyper-présidentialisation. Cette nouvelle constitution, de type autocratique, va renforcer la gouvernance ethnique et clanique, car l’absence de contrepoids réels confèrera à un seul citoyen, le contrôle et la main mise sur tous les secteurs de l’Etat. Ceux qui lui sont proches, ainsi que les membres de sa cour, seront les privilégiés de la République. C’est une conséquence inévitable dans un Gabon qui, jusqu’à présent, reste une nation inachevée.

Enfin, malgré quelques ajustements cosmétiques, sachez que le Parlement bicaméral issu d’une telle constitution ne sera qu’une chambre d’enregistrement, car le Président de la République pourra dissoudre l’Assemblée nationale, un outil de coercition qui lui permettra de neutraliser l’opposition. Chaque fois que le Parlement tentera de mettre en accusation le Président, celui-ci pourra anticiper et dissoudre l’Assemblée nationale.

En somme, si elle est adoptée, la constitution actuelle va éroder progressivement ses aspects démocratiques pour instaurer une dictature qui risque de détruire les fondements de la République et d’engendrer le chaos.

Il est conseillé la lecture du manifeste Le Gabon que nous voulons. En avant vers le socialisme Bantou-Pygmée https://www.amazon.fr/Gabon-voulons-avant-Socialisme-Bantou-Pygm%C3%A9e/dp/B0CZJ2N7YX/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=31U41B4SY38FD&dib=eyJ2IjoiMSJ9.LTPZatbt3PIECSAyrPRDdw.xxyq-5pp1iTHQdJ7nfl26MBFVmP7VGx9Iv8PHSBCi-w&dib_tag=se&keywords=le+gabon+que+nous+voulons&qid=1712755427&sprefix=le+gabon+que+nous+voulons%2Caps%2C92&sr=8-1 pour mieux comprendre qu’au-delà des critiques, certains gabonais ont des propositions concrètes pour le salut de notre nation. Le Gabon mérite mieux, et nous avons la possibilité de faire de notre pays un modèle de souveraineté, de démocratie, de sécurité, et de bien-être ; le Gabon que nous voulons doit devenir un modèle en Afrique et dans le monde, un pays de liberté.

Whylton Le Blond Ngouedi Marocko, Docteur en Droit Public Comparé et International; spécialiste en Relations Internationales option Paix, Guerre et Sécurité, travailleur social, membre de la Task Force ” Ricerca Azione” Amnesty International (Italie).

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