La récente rencontre entre le Chef de la transition et certains membres du Front du NON a surpris plus d’un Gabonais. Cela est compréhensible, compte tenu des acteurs présents et de leurs positions tranchées, extrêmement éloignées de celles défendues par le camp “pro Constitution”.Cependant, bien que certains acteurs politiques laissent entendre qu’il s’agissait d’une rencontre purement républicaine, les questionnements et les critiques ne manquent pas.
Un déjà-vu ?
Il est difficile d’envisager de belles perspectives à l’issue de cette rencontre ou même, dans une moindre mesure, d’y voir quelque chose de positif. En effet, on se souvient encore du déroulement de la campagne référendaire, au cours de laquelle les partisans du NON ont clairement été discriminés, victimes d’un traitement inégalitaire et même de menaces à peine voilées.Dès lors, il pourrait sembler puéril de penser qu’une entrevue de quelques heures à la Présidence de la République, même avec le Chef de la transition, puisse amorcer une tournure différente. Il semble que le patron du CTRI n’ait qu’une idée en tête : celle d’être candidat et de se faire élire Président de la République.
De ce fait, ce geste d’ouverture de l’opposition gabonaise envers le pouvoir peut signifier une légitimation d’un processus opaque et décrié par une grande partie des citoyens et de l’opinion publique. Il aurait été plus convenable pour l’opposition, en pleine reconstruction et à la recherche d’une crédibilité, de maintenir une relative distance vis-à-vis du pouvoir. Au pire des cas, les leaders auraient pu se faire représenter par des membres de leurs groupes respectifs pour ce rendez-vous. Cela aurait été perçu comme une forme de prudence ou un signe de désapprobation face à ce qui a été fait jusqu’ici, mettant ainsi le gouvernement et les responsables de la transition face à leurs responsabilités.
Or, avec cette visite dans la tanière de Brice Clotaire Oligui Nguema, plutôt que de créer un rapport de force, certains partisans du NON ont peut-être, dans la forme du moins, tenté sans le vouloir de redonner le bâton de commandement à un chef de la transition en difficulté. En effet, le processus référendaire n’a pas été à la hauteur des attentes du peuple gabonais, comme en témoigne le taux d’abstention très élevé (plus de 40%). Plus grave encore, les partisans ou sympathisants des acteurs présents à cette réunion ont pris connaissance de cet échange grâce aux clichés diffusés par la Presse Présidentielle. Dans un contexte gabonais où règnent suspicion, méfiance et crise de crédibilité, n’aurait-il pas été plus cohérent d’informer le peuple sur cette rencontre ainsi que sur les questions qui y devaient être débattues afin d’éviter toute supputation ou récupération politique ?
Quelles attentes ?
Le récent discours du Chef de la transition lors de son adresse à la nation a été clair. Il a annoncé la mise en place d’un comité institutionnel pour l’élaboration d’un nouveau code électoral sans avoir préalablement consulté l’opposition. On peut dès lors imaginer que l’on se dirige tout doucement vers un remake du processus du dialogue national où l’ancien patron de la Garde Républicaine reste le seul maître du jeu.Sur la base de cette hypothèse, les dénonciations de l’opposition pourraient sembler creuses et inaudibles à l’avenir.
Quelles conséquences ?
L’attitude complaisante d’une certaine opposition gabonaise à quelques mois des élections présidentielles peut favoriser des acteurs politiques jusqu’ici en embuscade et qui ne jouissent pas d’une bonne presse.
Le cas Hervé Patrick Opiangah.
Après son “NON” ferme à la nouvelle constitution, Hervé Patrick Opiangah, produit du sérail et homme énigmatique et controversé, apparaît désormais aux yeux d’une partie de l’opinion comme l’un des rares acteurs politiques — sinon le seul — à inquiéter réellement le Chef de la Transition. Son capital sympathie semble plutôt en hausse même s’il reste introuvable et n’a pas donné signe de vie jusqu’ici.Dès lors, l’absence d’une opposition déterminée et intransigeante pourrait jouer en faveur de cet homme d’affaires et d’autres acteurs clés membres de l’ancien Président Ali Bongo.
La fin de la récréation.
Il est temps que certains acteurs ou leaders politiques se ressaisissent. La période post-référendaire est sans doute la plus déterminante durant cette transition car elle constitue le dernier virage avant l’élection présidentielle ; un virage qui pourrait donner au Gabon son premier Président élu démocratiquement.La gravité du moment exige que ceux qui parlent au nom du peuple gabonais fassent preuve de fermeté.
Il ne faut pas donner l’impression au peuple, qu’au Gabon, tout le monde est champion des compromissions ou du double jeu. Il urge au sein de l’opposition, une communication plus fluide, transparente à l’endroit des citoyens.
Plus que par le passé, le peuple gabonais veut sortir de l’immobilisme et attend des changements radicaux qui puissent impacter positivement son destin.Le peuple a faim, il a soif ; il est en quête de sécurité, de travail, d’électricité et de liberté. Il ne veut plus des assassinats, des règlements de compte ni des crimes rituels. Comme c’est le cas pour les Gabonais vivant dans l’hinterland, ceux de la diaspora souhaitent également voir leur pays décoller ; ils aspirent à vivre libres et dignes. C’est pourquoi il faut des acteurs avec une vision claire et un engagement sincère envers le peuple.